Site non compatible avec les versions d'Internet Explorer
« Adoption par le Collège de l’ANC d’un projet de règlement relatif à la modernisation des états financiers » du 1-2-2022 ; www.anc.gouv.fr
Le nouveau projet de règlement de l’ANC consacré à la modernisation des états financiers prévoit la suppression de la technique du transfert de charges. De nouveaux traitements comptables devront être retenus pour les différents cas d’utilisation de cette technique.
Le Collège de l’Autorité des normes comptables (ANC) du 3 décembre 2021 a approuvé un projet de règlement modifiant le plan comptable général (PCG) en vue de moderniser les états financiers et la nomenclature des comptes.
Le Collège de l’ANC devrait se prononcer prochainement sur les modalités d’entrée en vigueur du projet : date d’entrée en vigueur, modalités d’application transitoire, présentation de la colonne N–1, etc.
Les principaux changements prévus par le projet de texte portent sur :
S’agissant de la technique du transfert de charges, le texte prévoit sa suppression pure et simple (PCG art. 512-1, 934-2 et 946 et 947-79 modifiés).
Les conséquences comptables de la suppression de la technique du transfert de charges
Les comptes de transfert de charges (79) permettent actuellement d’ajuster les affectations de certaines charges initialement débitées
Pour rappel, les charges sont enregistrées selon leur nature dans les comptes de charges adéquats (comptes 60 à 69), sauf lorsque les montants sont affectés à des investissements ou à des placements ; dans ce cas, ils sont à inscrire directement à l’actif.
Le PCG (art. 946) prévoit toutefois actuellement, à titre dérogatoire, que si les entités ne sont pas en mesure de faire de telles distinctions au moment même où elles passent leurs écritures (soit parce qu’elles ne connaissent pas le caractère des sommes à enregistrer, soit parce qu’elles ignorent encore l’affectation qui sera donnée à ces sommes), l’affectation des dépenses à réimputer est effectuée, en fin d’exercice, en les inscrivant, selon leur affectation et leur nature :
Le compte 79 « Transferts de charges » enregistre donc les charges d’exploitation, financières et exceptionnelles à transférer :
En pratique, les comptes de transfert de charges sont actuellement utilisés pour diverses opérations.
Exemple —————————————————————————————————————
Exemples de transferts de charges à un compte de bilan les plus courants :
– charges constitutives de frais d’émission d’emprunt à l’actif (PCG art. 944-48) ;
– charges indemnisées par les assurances (MC 45785 s.) ;
– charges remboursées de façon forfaitaire par l’État (MC 17130) ;
– débours remboursés lorsqu’ils ne peuvent être isolés (MC 11275) ;
– charges supportées par le propriétaire refacturées au locataire (MC 15750) ;
– charges refacturées dans le cadre d’une société en participation (SEP) (MC 74230) ;
– charges financières incorporées dans le coût de fabrication d’un contrat à long terme (MC 10950) et dans le coût d’entrée d’une immobilisation (à notre avis, afin de ne pas déséquilibrer le résultat d’exploitation ; MC 26395) ;
– résultat de cession d’une vente à réméré (MC 37150).
Exemples de transferts de charges à un compte de charges de personnel les plus courants :
– charges constitutives d’avantages en nature (MC 17170) ;
– résultats du rachat des actions dans le cadre de plans de stock-options et d’attribution gratuite d’actions (MC 55820 et 55895).
Exemples de transferts de charges à un autre compte de charges les plus courants :
– charges issues d’opérations non courantes transférées vers les comptes 67 « Charges exceptionnelles » ;
– charges constitutives du coût de production des échantillons et autres cadeaux transférées vers les comptes 6232 « Échantillons » et 6234 « Cadeaux à la clientèle » (MC 15930 et 15940).
——————————————————————————————————————————
L’ANC supprime les comptes de transfert de charges et autorise désormais les ajustements par le crédit des comptes de charges initialement débitées
L’ANC n’a pas prévu de nouveaux schémas d’écritures directement dans son projet de règlement. Elle a toutefois indiqué qu’il est désormais possible de procéder à une affectation de charges en deux temps :
L’entité aura, à cet effet, la faculté de créer des comptes avec une terminaison 9.
Afin d’anticiper, en pratique, les conséquences de cette évolution, une analyse au cas par cas des transactions devra être réalisée pour apprécier le traitement comptable adéquat. En effet, dans toutes les opérations faisant actuellement appel à la technique des transferts de charges, un compte de charge ne sera pas systématiquement crédité.
L’ANC a publié des fiches explicatives en sus de son projet de règlement, lesquelles contiennent quelques exemples illustratifs. Le contenu des transferts de charges étant très divers, ce complément de niveau infraréglementaire n’a pas vocation à couvrir l’exhaustivité des cas de figure. Nous complétons ci-après les exemples de l’ANC par d’autres exemples pratiques.
Actuellement, selon l’article 944-48 du PCG, les frais d’émission d’emprunt sont comptabilisés au débit du compte 481 « Charges à repartir sur plusieurs exercices » en contrepartie du compte 79 « Transfert de charges ». À la clôture de chaque exercice, le compte 481 est crédité par le débit du compte 6812 « Dotations aux amortissements des charges d’exploitation à répartir » du montant de la quote-part des charges incombant à cet exercice (voir MC 41020).
Désormais, selon l’ANC, le nouveau traitement impliquera la comptabilisation de ces frais directement au débit du compte 481 « Frais d’émission d’emprunts ».
En pratique, les entités ne sont pas toujours en mesure de faire la distinction, au moment où elles passent leurs écritures, entre les charges à conserver en résultat et celles à activer en frais d’émission d’emprunts. Dans ce cas, à notre avis, en l’absence de précision de l’ANC sur le traitement des charges à activer dans un autre compte que le compte d’immobilisation, les frais constitutifs de frais d’émission seront dans un premier temps comptabilisés en charges, puis ce compte de charges sera crédité (en créant éventuellement un sous-compte avec une terminaison 9) par le débit du compte 481.
A noter : Le compte 481 sera par la suite crédité, à la clôture de chaque exercice, par le débit d’un compte de charges financières, le compte 6862 « Dotations aux amortissements des frais d’émission d’emprunt », et non plus par un compte de charges d’exploitation comme auparavant.
Actuellement, la refacturation de charges de personnel est, en pratique, parfois enregistrée en transferts de charges (bien que cette pratique n’ait pas notre préférence, voir MC 17080).
Désormais, selon l’ANC, les refacturations de charges directement liées à des charges de personnel seront obligatoirement à inscrire dans un compte 7084 « Mise à disposition de personnel facturée ».
A noter : D’une manière générale, la refacturation de biens ou de prestations de services à des tiers dans le cadre de contrats, inscrite actuellement en compte 791, sera inscrite au compte 708 « Produits des activités annexes ».
Actuellement, les pratiques sont diverses, mais, à notre avis, les aides de l’État devraient être comptabilisées comme suit :
– exonération ou réduction de charges patronales : en déduction des comptes de charges de personnel débitées à l’origine (MC 17120) ;
– remboursements de sommes précises : au crédit des comptes de charges de personnel débitées à l’origine (voir MC 17135) ;
– remboursements forfaitaires : en transfert de charges (voir MC 17130) ;
– subventions (aides à caractère général) : en compte 74 (voir MC 12062).
Désormais, l’ANC indique que tous les remboursements reçus de l’État (ou d’un tiers) directement en compensation de charges de personnel seront systématiquement enregistrés au crédit du compte 649 « Remboursements de charges de personnel » , y compris en cas de remboursement forfaitaire.
A noter : L’ANC ne prévoit pas, en revanche, le traitement comptable des remboursements reçus de l’État au titre d’autres natures de charges, par exemple les dépenses dues au conseil extérieur (compte 617) ou aux consultants (compte 6226) dans le cadre de certaines aides. À notre avis, ces remboursements devraient continuer à être comptabilisés directement au crédit des comptes de charges concernés.
Actuellement, les indemnités d’assurance perçues à la suite d’un sinistre sont comptabilisées en compte de transfert de charges (voir MC 45785 s.), qu’il s’agisse d’une créance (MC 11460), de pertes d’exploitation en cas de décès (MC 15800), de charges sur sinistre (MC 18400), de la destruction partielle d’une immobilisation (MC 45800) ou encore de la disparition d’un stock (MC 45805).
Désormais, selon l’ANC, les indemnités d’assurance perçues à la suite d’un sinistre seront comptabilisées au crédit du compte 7587 « Indemnités d’assurance » .
A noter : L’indemnité reçue en compensation de la destruction totale ou du vol d’une immobilisation sera, comme actuellement, considérée comme le prix de cession de l’immobilisation et comptabilisée en tant que telle. Toutefois, étant donné la nouvelle définition du résultat exceptionnel, cette indemnité ne sera plus comptabilisée en résultat exceptionnel au compte 775 qui disparaît, mais au nouveau compte 757 « Produits des cessions d’immobilisations incorporelles et corporelles » dans le résultat d’exploitation (sauf si l’opération est jugée non courante, c’est-à-dire résultant d’un événement majeur et inhabituel, voir FRC 4/22 inf. 2).
En sus des exemples donnés par l’ANC dans sa fiche explicative, nous pouvons relever quelques cas classiques de l’usage des transferts de charges, comme la comptabilisation des avantages en nature.
Les charges étant comptabilisées selon leur nature (loyer, entretien, amortissements…) et non selon leur destination (personnel bénéficiaire), il n’existe pas de compte spécifique regroupant l’ensemble des avantages en nature.
Actuellement, plusieurs méthodes sont possibles, en pratique, pour suivre les avantages en comptabilité.
Les avantages en nature peuvent n’être enregistrés que pour mémoire, c’est-à-dire que les charges ayant le caractère d’avantages en nature sont enregistrées selon leur classement comptable normal. Puis une écriture complémentaire saisit (pour mémoire) l’avantage en nature au débit d’un sous-compte 64x et au crédit d’un autre sous-compte 64y.
Si les avantages en nature sont importants, un enregistrement des charges au compte 64 est préférable, en contrepartie (solutions avancées par le CNC ; Bull. no 36-02) :
Désormais, si l’entreprise choisit de comptabiliser les avantages en nature au compte 64, la seconde proposition du CNC nous semble pouvoir être poursuivie.
l’administration a indiqué que les avantages en nature sont déductibles (BOI-IS-BASE-30-20-10 no 80), sous réserve que :
– ladite rémunération corresponde à un travail effectif et ne soit pas excessive eu égard à l’importance des services rendus (BOI-BIC-CHG-40-40-10 no 20) ;
– les avantages soient comptabilisés (CGI art. 54 bis) ou, à défaut, qu’un état soit établi, en annexe à la comptabilité (BOI-BIC-CHG-40-40-30 no 660 et BOI-BIC-DECLA-30-10-20-10 nos 270 à 290).
Dans le cas contraire, l’entreprise risque de se voir refuser la déduction des avantages en nature considérés alors comme des avantages occultes (en dernier lieu, CE 24-3-2006 no 260787). Voir Mémento Fiscal n° 10950 c.
Actuellement, les coûts d’emprunt sont en principe incorporés (lorsque cette option est retenue par l’entreprise) :
L’annulation de la technique des transferts de charges ne devrait donc pas avoir d’incidence sur la comptabilisation des coûts d’emprunt.
Toutefois, l’utilisation des comptes 603, 713 et 72 a pour inconvénient de majorer de façon fictive le résultat d’exploitation. L’ANC n’ayant pas prévu de traitement alternatif lorsque les charges à activer ne font pas partie du résultat d’exploitation, à notre avis :
A noter : De même, l’ANC n’a pas prévu le traitement comptable des charges financières comptabilisées en tant que telles dans un premier temps, puis à activer en compte 50 « Valeurs mobilières de placement » dans un second temps. Ces charges doivent donc, en principe, être comptabilisées directement au compte 50. Toutefois, à notre avis, les entités n’étant pas toujours en mesure de faire la distinction, au moment où elles passent leurs écritures, entre les charges à conserver en résultat et celles à activer, un ajustement par le crédit du compte de charge financière débité à l’origine devrait pouvoir être possible (en créant éventuellement un sous-compte avec une terminaison 9).
Les conséquences fiscales de la suppression de la technique du transfert de charges
Peu d’impacts attendus sur la valeur ajoutée (VA) servant au calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)
Pour rappel, la VA retenue pour le calcul de la CVAE (et pour le plafonnement de la CET, contribution économique territoriale) est définie à l’article 1586 sexies, I du CGI. Elle ne correspond pas à la VA comptable (BOI-CVAE-BASE-20), mais sa détermination s’appuie directement sur la comptabilité (BOI-CVAE-BASE-20 nos 1 et 20 à 350).
Ainsi, les comptes qui seront utilisés en remplacement des comptes de transfert de charges pourront être inclus dans les composantes de la VA pour le calcul de la CVAE. Il conviendra donc d’être attentif à ce sujet et aux comptes que les entreprises choisiront d’utiliser en remplacement.
Par exemple, les indemnités d’assurance couvrant la destruction d’immobilisation sont actuellement exclues du calcul de la CVAE, car considérées comme des éléments exceptionnels du résultat. Ce ne sera plus le cas avec le classement en compte 757 de ce type d’indemnités, sauf à démontrer qu’il s’agit d’un produit directement lié à un événement majeur et inhabituel.
Sous réserve de cette situation, peu d’impacts sont attendus. Notamment :
A noter : Compte tenu de la suppression de la CVAE à compter de 2024 (Projet de loi de finances pour 2023 art. 5) et dans la mesure où ce nouveau règlement ne devrait être d’application obligatoire qu’à compter du 1er janvier 2025, son impact sur la CVAE devrait être limité aux entreprises qui feront le choix d’une application anticipée de ce nouveau règlement.
Quelques impacts attendus sur le calcul de la participation
Pour rappel, la participation est basée sur une formule de calcul impliquant notamment la masse salariale (S) et la valeur ajoutée (VA).
La VA est déterminée en faisant le total d’un certain nombre de postes du compte de résultat énumérés par l’article D 3324-2 du Code du travail dont ne font pas partie les comptes de transfert de charges :
Actuellement, en pratique, l’énumération limitative de l’article D 3324-2 du Code du travail ne prévoyant pas de tenir compte des transferts de charges, ceux-ci ne sont pas déduits des postes susvisés (notamment des charges de personnel et des charges financières), même s’ils concernent ces comptes.
La nouvelle mécanique d’ajustement des comptes de charges par le crédit des comptes initialement débités, plutôt que par un compte de transfert de charges, devrait donc avoir un impact direct sur le montant de la VA servant au calcul de la participation.
Par exemple, les remboursements reçus de l’État (ou d’un tiers) en compensation de charges de personnel :